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Fuite massive des compétences africaine :une nouvelle forme d’esclavage transatlantique et de colonisation des esprits



L’immigration massive des travailleurs d'Afrique, en particulier d'Afrique francophone, vers l'Occident, et notamment vers le Canada, a connu une accélération exponentielle au cours de la dernière décennie ; elle est symptomatique de la vulnérabilité socio-économique du continent, conséquence implacable d’un néocolonialisme dénoncé par des combattants tels que NKAME NKRUMAH, Hubert KAMGANG, Ruben UM NYOBE, Isidore Thomas SANKARA, MONGO BETI, Abel EYINGA, Edem KODJO, Michel KOUNOU ou Cheikh Anta DIOP.

Selon la Banque Mondiale, près de 30 % des diplômés Africains s’expatrient chaque année, fragilisant les perspectives de progrès de leur pays d’origine, comme l’attestent des données de l’OCDE qui établissent que le nombre d’immigrants Africains en Amérique du Nord a doublé entre 2010 et 2020, atteignant près de 1,6 million de personnes, dont une majorité hautement qualifiée et relativement jeune.

Ce phénomène d’exode des cerveaux, accentué par la fuite de compétences essentielles, affaiblit structurellement le progrès économique des pays comme le Cameroun, où près de 70 % des jeunes diplômés manifestent une volonté de quitter le pays, estimant qu’un « avenir meilleur » ne se trouve qu’hors des frontières nationales selon l'enquête de 2022 de l'Institut National de la Statistique (INS), ce qui représente une perte incommensurable en termes de potentiel humain pour notre pays.

L’hémorragie des ressources humaines qualifiées, en raison de la précarité économique, de la corruption systémique, véritable carburant du néocolonialisme et de la faiblesse des infrastructures publiques, à laquelle s’ajoute une forme de résignation collective, trompeusement qualifiée par les pouvoirs publique de « résilience » face à la désespérance d’un changement d’ordre gouvernant par le biais des élections, les processus électoraux ne jouissant plus de la confiance des Populations, appauvrit davantage les systèmes de santé, d’éducation et de production industrielle des États africains.

Le nombre de Camerounais immigrés au Canada est estimé à environ 35 000 à 40 000 selon les données récentes de 2021 issues de Statistique Canada et d'autres sources comme le Haut-Commissariat du Cameroun au Canada. Ce chiffre inclut les résidents permanents, les étudiants internationaux, ainsi que les travailleurs temporaires. Le Canada, particulièrement les provinces du Québec et de l'Ontario, attire de plus en plus de Camerounais en raison de sa politique d'immigration favorable et des opportunités d'études et d'emplois, notamment dans les domaines de la santé, des technologies et des services.

Pour le Panafricaniste authentique que je suis, cette dynamique ignominieuse de fuite massive des compétences est une nouvelle forme d’esclavage transatlantique et de colonisation des esprits, où l’Occident continue d'exploiter les ressources humaines africaines à son profit, et d'aspirer à sa reconstruction sur le dos des jeunes talents africains, privant le continent de ses éléments moteurs et perpétuant ainsi la dépendance économique des nations africaines. Ainsi, se consolide l’asservissement des Populations Africaines, dépouillées de leurs talents, voyant l’Afrique par la même occasion, freinée dans ses ambitions de souveraineté et d’autosuffisance ; autant donc dire que la répression monétaire de l’Afrique qu’a si brillamment démontrée le Pr. Joseph TCHUNDJANG - POUEMI est plus que jamais d’actualité.

Ngugi wa Thiong'o, écrivain et penseur kényan, écrivait : "Le plus grand danger pour l’Afrique n’est pas seulement la perte de ses richesses naturelles, mais surtout l’exil forcé de ses esprits les plus brillants" (Ngugi, Something Torn and New). En effet, cet "exil forcé" n’est pas seulement économique, mais aussi psychologique, nourri par des décennies de glorification des modèles occidentaux, au détriment des solutions africaines.

Pour enrayer ce phénomène, il est impératif de restructurer les politiques nationales africaines en priorisant l’industrialisation endogène, à l’instar de modèles asiatiques réussis, tout en renforçant les systèmes de protection sociale. Le Cameroun, tout comme ses voisins africains, doit investir massivement dans l’agroforesterie, l’énergie verte, les industries de transformation, et faire de l’économie circulaire le soubassement incontournable dans l’élaboration de toutes les politiques publiques, pour créer, en grande quantité des emplois décents et durables afin de freiner cet exode.

Je préconise également l’instauration d’une véritable mobilité intra-africaine des travailleurs et la valorisation des savoirs faire locaux, encourageant la circulation des talents au sein du continent, tout en limitant l'émigration vers l'Occident. Ceci passe inévitablement par l’accentuation de la coopération économique et sécuritaire entre les pays Africains, d’où l’importance de l’édification de Zones Economiques Panafricaines de Libres Echanges destinées à faire naître un marché commun Africain avec des barrières protectionnistes protégeant la production locale Africaine.

Enfin, une décolonisation des mentalités, par le biais d'une véritable révolution éducative Panafricaniste authentique notamment au Cameroun, ancrée dans la valorisation de l’identité africaine et des projets collectifs, est essentielle pour inverser cette tendance, car le véritable progrès de l’Afrique ne peut se faire qu’en Afrique, par les Africains eux-mêmes. L'Afrique doit valoriser ses savoirs ancestraux et former une jeunesse consciente de ce que la solution à ses défis contemporains réside dans une coopération africaine renforcée et non dans l’exil.


Me Jean Guy ZOGO

Président – Directeur Général de InEco Corporation Group.

Directeur du Centre Professionnel d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation du Cameroun (CEPAMC)

Président du Conseil d’Administration de l’Association Camerounaise d’Agroforesterie.

Président Général de l’Union des Populations Africaines (UPA)

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