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"L 'Afrique n'a pas besoin de la France..." ( Me Jean Guy ZOGO)


Dans la perspective de la célébration de la fête nationale française le 14 juillet , Ecobusiness accorde une tribune à l'intelligentsia africaine pour une réflexion sur l'Etat de la coopération Afrique-France.

Regard du juriste camerounais Me Jean Guy ZOGO* :


Quel regard portez-vous sur la coopération économique entre laFrance et l’Afrique?

Les relations que la France, comme tous les autres pays européens, a établi avec les Populations Africaines depuis le jour où ses ressortissants ont posé le pied sur le continent africain, sont des rapports de domination. De manière générale, les relations économiques entre la France et l'Afrique sont aujourd'hui des relations néocoloniales, c'est-à- dire des relations établies entre une puissance esclavagiste et colonisatrice hier et néocoloniale d'aujourd'hui : la France, et des Populations Africaines réduites en esclavage durant des siècles dans le cadre du tristement célèbre "commerce triangulaire" dans lequel des filles et fils d'Afrique ont été considérés comme de simples marchandises, puis avec la balkanisation de l'Afrique, en une multitude d' États colonisés, réservoirs de matières premières convoitées par la France pour son industrie, et aujourd'hui des États néocolonisés, par la mise en œuvre d'Accords dits de Coopération économique iniques qui ont permis à la France de vider de sa substance l'indépendance qu'elle avait "concédée" à ses anciennes colonies pompeusement appelées des protectorats. À travers ces accords, la France a maintenu en Afrique, un arsenal d'instruments d'asservissement des Populations Africaines, tels que le franc CFA, qui continuent aujourd'hui à lui donner le possibilité d'exploiter les ressources de beaucoup de pays africains au détriment des Populations de ces pays. Cependant, les relations économiques entre la France et les pays africains qu'elle n'a pas colonisés sont différents et sont moins paternalistes. D'ailleurs, les mutations de la géopolitique mondiale ont permis la montée en puissance de la Chine, du Brésil, de la Turquie, ou de l'Inde qui sont autant de pays avec lesquels, les pays africains ont pu établir des relations économiques moins inégalitaires.


Le 24 juin 2021 à l’Institut des relations internationales du Cameroun(IRIC), dans le cadre du Forum diplomatique l’Ambassadeur de France au Cameroun , Christophe Guilhou, révélait que les entreprises françaises, au cours des 30 dernières années, ont perdu au total 30% de parts de marché au Cameroun.

Et selon le rapport du commerce extérieur de la France, le continent africain ne représente plus que 5,3 % du commerce extérieur français et les 15 pays de la zone franc, 0,6 %, des chiffres en déclin par rapport au 7,9 % des exportations en valeur de biens vers l’Afrique en 2010.

Face à une concurrence chinoise de plus en plus agressive, les entreprises françaises peuvent-elles encore inverser la tendance baissière de leurs parts de marchés en Afrique ?

Je prend avec des pincettes ces chiffres qui ne reflètent qu'une partie de la réalité sur le terrain. En effet, la situation des pays africains est différente d'un pays à l'autre. La présence française dans son ancien empire colonial n'est pas la même que dans les pays qui n'en faisaient pas partie. Les entreprises françaises restent extrêmement présentes dans les anciennes colonies françaises d'Afrique et n'y contribuent pas du tout au progrès de ces pays. La présence chinoise en Afrique est à apprécier avec modération parce que la Chine est une puissance néocoloniale qui vient en Afrique ponctionner les richesses du sol et du sous-sol pour soutenir son économie gourmande en ressources énergétiques et autres minerais. C'est aux dirigeants Africains d'élaborer des stratégies pour permettre à leurs États de tirer leur épingle du jeu. Encore faudrait-il qu'ils soient soucieux de le faire réellement. Le Panafricanisme authentique est la seule, l'unique et l'ultime voie de salut pour l'Afrique aujourd'hui.


Le nouveau plan stratégique signé entre l’UE et l’Union Africaine (UA) en 2020, intègre un volet sur la présence accrue des PME européennes. La France étant, contre vents et marées, l’un des « moteurs » de l’UE, les sociétés tricolores profiteront pleinement de cette démarche partenariale avec l’Union Africaine.

Les entreprises africaines, notamment les PME, déjà confrontées à la percée des entreprises chinoises, turques ou indiennes, seront-elles capables de faire face à cette autre rude concurrence en vue ?

La zone de libre-échange continentale africaine en vigueur le 1er janvier 2021, ne sera-t-elle pas in fine profitable aux entreprises étrangères notamment françaises ?

La Zone de libre-échange continentale Africaine, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises est une plaisanterie tout simplement. L'Union Africaine est devenue au fil des ans, confirmant ce que les Panafricanistes en ont pensé dès le départ, au sortir de 'a bataille idéologique entre Kwame Nkrumah et Félix Houphouët-Boigny, un instrument de perpétuation du néocolonialisme sur le sol Africain. Les entreprises françaises vont probablement recommencé à accentuer leur présence dans les anciennes colonies françaises d'Afrique, mais ailleurs, la concurrence va demeurer rude pour elles face aux entreprises chinoises, américaines, Brésiliennes, Indiennes, etc.


Selon le Président Emmanuel MACRON, le sentiment anti-français gagne du terrain dans les pays francophones. Au cœur de ce ressentiment, la question du FCFA. Et les pays de la Zone FCFA CEMAC, à l’instar de ceux de la CEDEAO et conformément aux lignes directrices de l’agenda 2063 de l’Union Africaine, devraient parvenir à un nouveau pacte monétaire au sein de la communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC).

Après le nouveau report du lancement de l’ECO CEDEAO à 2027, Croyez-vous en une rupture du pacte monétaire entre la France et les pays africains de la zone franc ?

Je suis de ceux qui au quotidien travaillent avec acharnement à ce que les Accords de Coopération que la France a signés avec ses anciennes colonies d'Afrique soient purement et simplement abolis. Et je suis confiant, c'est quelque chose d'inéluctable. Nous travaillons chaque jour à éveiller les consciences en Afrique, et nous savons que les Populations Africaines peu à peu comprennent déjà qu'elles ont été dupées par la France avec la complicité des agents infiltrés du néocolonialisme qui avaient été placés à la tête des États lilliputiens à qui des pseudos indépendances avaient été concédées. L 'Afrique n'a pas besoin de la France, c'est la France qui a besoin de l'Afrique et sombrerait dans la récession économique si l'exploitation honteuse qu'elle fait des ressources naturelles et humaines Africaines venait, comme nous le souhaitons ardemment, à prendre fin!


Sommet France-Afrique (prévuenoctobre2021àMontpellier) : une tradition à pérenniser ? Quelle(s) opportunité(s) pour l’Afrique?

Les sommets France - Afrique vont se terminer le jour où les anciennes colonies françaises d'Afrique arracheront leur véritable indépendance et que l'Afrique aura accompli son unification avec les États-Unis d'Afrique. Nous luttons actuellement pour cela. Et si ces sommets devaient se pérenniser après cela, leur format serait totalement différent. Les seuls pays susceptibles d'engranger pour le moment quelques opportunités lors de ce sommet, sont ceux qui n'ont pas signé d'Accords de Coopération iniques avec la France à la veille des pseudos indépendances.


Me Jean GUY ZOGO

Juriste / Homme politique & Panafricaniste


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