Dans la perspective de la célébration de la fête nationale française le 14 juillet , Ecobusiness accorde une tribune à l'intelligentsia africaine pour une réflexion sur l'Etat de la coopération Afrique-France.
Regard de l'économiste congolais Dr Gabriel Patrick DION* :
1- QUEL REGARD PORTEZ-VOUS SUR LA COOPERATION ECONOMIQUE ENTRE LA France ET L’AFRIQUE ?
De 1960 - année des indépendances Africaines - jusqu’à nos jours, la France reste et demeure globalement le premier partenaire économique, commercial, financier, technologique , politique, militaire, linguistique et socioculturel de l’Afrique bien qu’aujourd’hui notamment depuis les dix dernières années la coopération économique tend à être dominée par la présence remarquée de la Chine.
En effet, de 1950 à 1970, l’ensemble de l’empire colonial représentait 60% du commerce extérieur français. En 1970, la part de l’Afrique dans les exportations françaises était de 8,70% et elle est descendue à 5% en 2015 pour arriver à 3% en 2020. Cette baisse vertigineuse de la coopération économique française en Afrique a été naturellement compensé par la montée spectaculaire de la Chine : La nature a horreur du vide et à toutes choses égales par ailleurs.
De façon macroscopique, jusqu’à l’an 2000, la coopération économique entre la France et l’Afrique portait sur les principaux D.A.S (Domaines d’Activités Stratégiques) suivants : L’enseignement, la construction ou les Bâtiments et travaux publics, l’énergie c’est-à-dire l’eau et l’électricité. Depuis l’an 2000, la coopération économique française s’est cristallisée sur Trois grands domaines d’activités stratégiques : le pétrole, le gaz et le bois. Les autres étant périphériques.
La bible dit qu’on reconnait l’arbre par son fruit : Si le fruit est bon, on garde l’arbre mais si le fruit n’est pas bon, l’arbre sera jeter au feu. Il est temps que la France change sa coopération économique. Qu’elle passe de l’aide au développement- caduque et dépassée à l’aide à l’investissement- promotion des partenariats publics privés au service du développement.
2- FACE A UNE CONCURRENCE CHINOISE DE PLUS EN PLUS AGRESSIVE, LES ENTREPRISES FRANCAISES PEUVENT – ELLES ENCORE INVERSER LA TENDANCE BAISSIERE DE LEURS PARTS DE MARCHES EN AFRIQUE ?
OUI, à condition que la France change son modèle de coopération économique. Qu’elle abandonne le modèle de l’Aide au développement qui n’a jamais porté ses fruits étant donné que cette aide était liée. Pas libre. Toutes les retombées étaient françaises et non africaines. Mettre en place un partenariat « gagnant – gagnant » et non faire du « ONE TO ONE ». D’ailleurs y’a-t-il un seul pays africain francophone développé grâce à cette aide ? NON. La France doit adopter le modèle de l’aide à l’investissement au service du développement économique des pays Africains.
Le mythe de la toute-puissance des entreprises françaises des années 1960-1970-1980- et le néocolonialisme économique français des années 2000-2010 constituent le jumeau paradoxal du mythe de leur retrait sur la scène économique africaine internationale concrétisée par le déclin de l’image continentale des entreprises françaises en Afrique. Voici selon les données du COFACE, les principaux domaines de déclin des parts de marchés françaises en Afrique :
- Les machines industrielles : De 12% des parts de marchés à 6%
- Les appareils électroniques : De 16% des parts de marchés à 7%
- L’automobile : De 15% des parts de marchés à 5%
- L’industrie pharmaceutique : De 33% des parts de marchés à 17%
- Les Investissements Directs à l’Etranger : 60 milliards € en l’an 2000 à 52 milliards € en 2020.
Rappelons que l’émergence et la pénétration chinoise s’expliquent de plusieurs manières, entre autres la pratique du TROC MODERNE : les pays Africains n’ayant pas d’argent, les chinois acceptent d’échanger leurs services contre les matières premières africaines en y rajoutant le transfert de technologie chose que les français ne faisaient pas, et ne font pas. Mieux, les chinois intègrent bien la notion de la DIVERSIFICATION ECONOMIQUE AFRICAINE pour que les pays africains ne restent pas toujours EXCLAVES MODERNES DU PETROLE. Les chinois sont dans la logique de la signature des PARTENARIATS ECONOMIQUES STRATEGIQUES NOTAMMENT AVEC LA MISE EN PLACE DES ZEP : ZONES ECONOMIQUES SPECIALES EN AFRIQUE.
3- LA ZONE DE LIBRE ECHANGE CONTINENTALE AFRICAINE ENTREE EN VIGUEUR LE 1er JANVIER 2021, NE SERA-T-ELLE PAS IN FINE PROFITABLE AUX ENTREPRISES ETRANGERES NOTAMMENT FRANCAISES ?
Parmi les outils qui permettront à long terme le développement socioéconomique du continent Africain, il ya la ZLECA : Zone de Libre Echange Continentale Africaine, l’essentiel est qu’on y rajoute son corollaire INDISPENSABLE qui est LA ZONE MILITAIRE AFRICAINE. En effet, l’Afrique doit être en mesure de se défendre toute seule sans aucune intervention étrangère encore moins française. L’économie va de pair avec la sécurité.
La RUSSIE est une grande puissance économique mais d’abord MILITAIRE. Chaque pays Africain devra savoir tirer son épingle du jeux. Normalement la ZLECA doit promouvoir le développement des entreprises Africaines pas Françaises. Maintenant, il faut reconnaitre que l’économie est aujourd’hui MONDIALISEE. Et l’économie Africaine est une économie de MARCHE et la ZLECA est régie par les principes de la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et des technologies. Les entreprises françaises peuvent profiter de la pandémie du CORONAVIRUS et de la faiblesse du commerce intra-africain pour tirer leur épingle du jeu.
Si la France réorganise sa coopération économique en y introduisant le transfert de technologie, nous assisterons à un commerce extérieur gagnant-gagnant dont les conséquences seront les suivantes :
- Les pays africains producteurs du pétrole tels que le CONGO, LE GABON, L’ANGOLA, LA GUINEE, L’ALGERIE ETC… pourront non seulement produire c’est-à-dire EXTRAIRE LE PETROLE BRUT MAIS AUSSI LE TRANDFORMER SUR PLACE EN AFRIQUE GRACE AUX TRANSFERTS DE TECHNONOLIES.
- Les pays africains majoritairement agricoles pourront produire et transformer toute leur production agricole en produits dérivés en AFRIQUE ETC…
4- APRES LE NOUVEAU REPORT DU LANCEMENT DE L’ECO CEDEAO À 2027, CROYEZ-VOUS EN UNE RUPTURE DU PACTE MONETAIRE ENTRE LA France ET LES PAYS AFRICAINS DE LA ZONE FRANC ?
PAUL SAUVY disait je cite : « Comment voulez-vous que le capitalisme puisse enfanter son propre contraire et célébrer gaillamment ses propres funérailles » ? La France vit et est ce qu’elle est c’est-à-dire 5ieme puissance mondiale grâce à l’Afrique. S’il ya rupture du PACTE MONETAIRE entre la France et les 15 Pays Africains de la zone Franc CFA, elle deviendra la 58eme puissance du monde avait affirmé en son temps feu président JACQUES CHIRAC. Le commerce extérieur et la monnaie de la plus part des pays africains notamment de la zone Francophone étant sous le contrôle de la France via la banque de France, le trésor public français à travers le Mécanisme de fonctionnement du franc CFA, notamment du COMPTE D’OPERATIONS, la France n’a aucun intérêt de favoriser une rupture du pacte monétaire. Au contraire le lancement même reporté en 2027 de l’ECO-CEDEAO ne représente qu’une face modernisée et édulcorée de l’ancien franc CFA. Il me plait de rappeler que le principe de fonctionnement du compte d’opérations stipule jusqu’à ce jour que plus de 50% des recettes du commerce extérieur de tous les pays africains de la zone CFA doit rester dans le compte bancaire du trésor public français et seulement la moitié est remise aux pays Africains. Et avec cet argent, la France finance son propre développent économique et nous le redonne sous forme de l’aide au développement dont la plus part des marchés reviennent aux entreprises françaises et donc avec aucune valeur ajoutée pour les économies africaines. Les marchés sont français, les entreprises sont françaises, les salariés sont français donc le retour d’investissement est français. Zéro en Afrique.
Cependant, une rupture de ce pacte monétaire est INDISPENSABLE pour assurer le développement socioéconomique de l’Afrique.
Toute autre considération est un leurre. Le président EMMANUEL MACRON, un jeune homme de 40 ans, a commencé par diviser les présidents Africains entre eux, notamment ceux de l’Afrique de l’OUEST comme étant les meilleurs gestionnaires et ceux de l’Afrique CENTRALE comme étant les mauvais gestionnaires. Une fois la division faite, on peut changer la monnaie CFA en ECO seulement pour l’AFRIQUE DE L’OUEST à l’horizon 2027.
En définitive, je ne crois pas à la rupture entre la France et les pays de la zone CFA. Par contre les gouvernements africains, les peuples africains et notamment la jeunesse africaine doit se lever pour combattre l’émergence de cette monnaie l’ECO qui restera un instrument de néo colonisation de l’Afrique de l’Ouest. Enfin, il faut souligner le fait que Paris soit omniprésent dans la prise des grandes décisions africaines sur les plans politiques et sécuritaires, économiques et financiers alimente, ce que le président EMMANUEL MACRON appelle « le sentiment anti français ». La présence française peut être constatée sur tous les fronts de guerre en Afrique : Mali, RCA…
5- LE SOMMET France-AFRIQUE PREVU EN OCTOBRE 2021 A MONTPELLIER : UNE TRADITION A PERENNISER ? QUELLES OPPORTUNITES POUR L’AFRIQUE ?
Si le sommet France-Afrique ne reste pas seulement un espace ou un lieu où se tiennent des discours oratoires et des plaidoiries ou s’expriment la mendicité politique, économique et financière africaine, pourquoi pas ? Le sommet peut avoir lieu et se pérenniser. Car la France vit et existe grâce à l’Afrique, grâce à ses matières premières. Donc c’est bien pour elle d’organiser des sommets ou on invite tous les chefs d’Etat Africains. Mais La montée spectaculaire de la Chine en Afrique inquiète le gouvernement français au plus haut degré. La France reste à ce jour le seul et unique pays colonisateur qui vit grâce à ses anciennes colonies. Tel n’est pas s le cas de l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Portugal et l’Angleterre.
Le sommet France – Afrique d’octobre 2021 à Montpellier peut être un sommet où se définira de nouvelles stratégies de développement économique de rupture ou l’Afrique qui sera présente et non une Afrique mendiante alors que nous sommes de loin le continent le plus riche du monde en ressources du sol et du sous-sol malheureusement avec la population la plus pauvre du monde vivant avec moins de 1$ par jour.
Fait à Paris le 13 Juillet 2021.
M.DION GABRIEL PATRICK
Docteur en Economie.
Comments