top of page
Photo du rédacteurAdmin

Quelques raisons de l’exode des professionnels du Cameroun vers le Canada (Par Laurain Assipolo)



L’émigration massive des professionnels camerounais vers le Canada que l’on observe ces dernières années s’explique par une conjonction de facteurs liés à la recherche de meilleures perspectives professionnelles, de conditions de vie supérieures, ainsi qu’à des politiques d’immigration accueillantes. Les Camerounais, cela est légitime, aspirent à améliorer leur bien-être socio-économique et voient très souvent l’émigration comme un moyen d’atteindre cet objectif. Le succès de ceux qui ont migré au Canada et trouvé des emplois bien rémunérés inspire d’autres jeunes à suivre le même chemin. On distinguera donc des facteurs internes, c’est-à-dire propres au Cameroun, et des facteurs externes qui créditent l’attractivité du Canada.


Les facteurs internes


L’un des premiers facteurs que l’on pourrait évoquer est l’insatisfaction professionnelle. Les actifs camerounais peuvent éprouver des frustrations face à un marché du travail saturé, à une corruption endémique, à des traitements salariaux inégaux et à un manque de progression de carrière. Certains estiment que leur rémunération ne correspond ni à leurs compétences ni à la valeur ajoutée que leur force de travail apporte aux entreprises.


Le second facteur est celui de l’inadéquation entre les formations universitaires et les besoins du marché de l’emploi. Il s’agit d’un problème bien connu qui contribue significativement à la migration des jeunes Camerounais vers des pays comme le Canada. Les programmes universitaires au Cameroun sont très souvent obsolètes et ne répondent pas aux compétences requises sur le marché de l’emploi moderne, en particulier dans les secteurs en rapide évolution comme la technologie et l’ingénierie. Les formations sont souvent théoriques, avec un manque de focalisation sur les compétences pratiques et les soft skills recherchés par les employeurs. Les universités et grandes écoles ont souvent peu de partenariats formels avec les industries locales, ce qui limite les stages pratiques et les formations en alternance qui pourraient préparer les étudiants à des emplois immédiats. On pourra également parler de l’absence d’initiatives où les entreprises locales co-construisent des programmes de formation pour répondre à leurs besoins spécifiques. Le manque de préparation adéquate pour le marché du travail entraîne un taux de chômage élevé parmi les diplômés, qui cherchent alors d’autres opportunités à l’étranger. À cela s’ajoute l’absence de structures d’accompagnement et de conseils de carrière pour les jeunes diplômés, qui les prive d’une orientation efficace vers les besoins du marché.


Un autre facteur, et pas des moindres, lié au précédent, est l’attirance pour l’éducation internationale. Le Canada offre des programmes académiques et techniques bien alignés avec les attentes professionnelles actuelles, ce qui est très attractif pour les jeunes à la recherche de meilleures opportunités éducatives. Les diplômes obtenus dans des institutions canadiennes bénéficient d’une reconnaissance internationale, ouvrant plus de portes sur le plan professionnel.


Les facteurs externes

Le Canada offre un marché du travail diversifié et en croissance, particulièrement attirant pour les professionnels dans les secteurs des technologies de l’information, de l’ingénierie et de la santé. Les salaires compétitifs et les meilleures conditions de travail comparées au contexte camerounais poussent de nombreux professionnels à migrer.

Ce pays est également reconnu pour ses établissements d’enseignement supérieur de grande qualité offrant de meilleures opportunités de formation et de développement de carrière. Les diplômes canadiens sont souvent mieux reconnus à l’international, offrant plus de débouchés.

Le Canada propose une vie politique stable et un haut degré de sécurité, un contraste significatif pour certains Camerounais confrontés à des incertitudes politiques et sécuritaires dans leur pays d’origine. Le système canadien, qui inclut des soins de santé accessibles et d’autres services sociaux, attire des professionnels en quête de meilleures conditions de vie.

Ajoutons également que les politiques canadiens ont mis en place plusieurs programmes d’immigration attrayants, y compris le Programme des travailleurs qualifiés et le Programme d’expérience québécoise, qui facilitent la migration des professionnels qualifiés. Une politique d’accueil favorable à la diversité et à l’inclusion rend donc le Canada attrayant pour les immigrants potentiels.

La politique d’immigration du Canada est en effet conçue pour être accueillante et attrayante pour les professionnels du monde entier, y compris ceux du Cameroun. Par exemple, l’« entrée express » est un système d’immigration rapide qui permet aux travailleurs qualifiés d’obtenir la résidence permanente. Il évalue les candidats en fonction de plusieurs critères (âge, éducation, expérience professionnelle, compétences linguistiques), et leur potentiel à s’intégrer sur le marché du travail canadien. Chaque province ou territoire canadien a des programmes spécifiques pour attirer des travailleurs qui répondent à leurs besoins économiques locaux, offrant ainsi des voies supplémentaires pour l’immigration.


Comment inverser la tendance ?

Pour enrayer l’exode de professionnels vers le Canada, le Cameroun pourrait envisager plusieurs stratégies visant à améliorer les conditions économiques, sociales et professionnelles, et à offrir un environnement plus attrayant pour ses citoyens. Il s’agira d’encourager l’investissement étranger et local pour stimuler la création d’emplois dans des secteurs clés, notamment les technologies de l’information, l’ingénierie et les énergies renouvelables. Cela inclurait l’alignement des offres d’emploi avec les compétences disponibles pour réduire le chômage des diplômés.

Une autre piste est l’adaptation des programmes universitaires et de formation professionnelle aux besoins actuels du marché du travail, en collaboration avec les entreprises. L’on gagnerait donc à développer des partenariats avec le secteur privé pour offrir des stages, des apprentissages, et une formation en entreprise.

L’investissement dans les infrastructures générales et numériques pour améliorer l’environnement de travail et la productivité est nécessaire. Il est aussi possible d’offrir des salaires compétitifs, des assurances santé, et d’autres bénéfices sociaux pour retenir les talents.

L’on devra aussi, par des politiques incitatives, encourager les programmes de retour, en créant des initiatives pour inciter les professionnels expatriés à revenir, telles que des allègements fiscaux et des primes au retour.

Retenir les étudiants suppose aussi qu’on leur offrir des subventions pour la recherche et l’innovation, et que l’on encourage le développement professionnel continu.

La promotion d’un climat politique stable et sûr pour encourager les professionnels à rester et investir à long terme est importante. Il faut travailler à redynamiser les structures créées pour réduire la corruption et améliorer la transparence administrative.

L’encouragement de l’entrepreneuriat ne doit pas se limiter aux discours vaseux et aux initiatives sans fondements. Il faut donc fournir des financements, des conseils et des incubateurs pour stimuler l’entrepreneuriat local et aider véritablement les petites et moyennes entreprises à se développer et à créer des emplois de qualité .


Laurain Assipolo

Chargé de cours au département de Français et études francophones à l’Université de Douala.

Ses principaux domaines de recherche sont la variation linguistique, les fonctions et les usages des langues, les représentations sociolinguistiques, les politiques linguistiques et la sociolinguistique interactionnelle.

Il est également spécialiste en théologie systématique, en enseignement du français langue étrangère et en droit de la propriété littéraire et artistique.

2 vues0 commentaire

Comments


bottom of page